• Du domaine des Murmures

    Du domaine des Murmures

    Par Carole MARTINEZ - 28/10/2013

    En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire "oui" : elle veut faire respecter son vœu de s'offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe... Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et ce souffle l'entraînera jusqu'en Terre sainte.

    Aujourd'hui encore, on fantôme murmure on fabuleux destin à qui sait tendre l'oreille.

     

    Il s'agit d'un conte médiéval, un conte mystique. On aime ou on n'aime pas !

    Esclarmonde, comme toute jeune fille de l'époque (XIIe siècle), doit accepter le mariage arrangé voulu par son père. le jour de ses épousailles, elle fait fi de toutes les convenances et refuse que Lothaire de Montfaucon, connu pour déflorer les jeunes pucelles, contre leur gré, dans les buissons, devienne son seigneur et maître.

    Bravant tous les interdits, faisant comme l'avait fait avant elle sainte Agnès, elle se tranche une oreille et demande à son père de construire une chapelle en l'honneur de cette dernière et de l'emmurer à côté, comme cela se faisait à l'époque. Fou furieux par l'affront que vient de lui imposer cette fille qu'il adore pourtant, il ne refuse pas et fait en sorte que la volonté d'Esclarmonde soit appliquée. Au bout de quelques temps, un miracle se produit : elle donne naissance à un fils, Elzéar (signifiant « secours de Dieu »), qui porte les stigmates du christ puisqu'il a les mains percées. Une sainte est née !  

    Bon, en fait il n'y a pas de miracle :

    Esclarmonde a renoncé à l'amour pour ne vivre que de l'amour de Dieu. Mais les aléas de la vie, ou Dieu lui-même, en ont décidé autrement. À l'aube du jour où la porte de sa cellule devait être murée, alors qu'elle était sortie du château pour jouir une dernière fois de la caresse de la brume et des senteurs du sous-bois, un homme ivre la viole. Neuf mois plus tard, un enfant naît. Elle décide de garder Eléazar avec elle aussi longtemps qu'il pourra passer entre les barreaux de son judas. Peu à peu, son fils prend la place de Dieu dans son cœur. Et son corps frémit de nouveau, réveillé par le parfum tendre de cette chair d'enfant. Mais, dans le pays, on est convaincu que cette naissance est miraculeuse. Le pouvoir spirituel de la jeune femme s'en trouve dangereusement accru. «Prends garde, entre le sommet et l'abîme il n'y a qu'un pas et la chute menace ceux qui tentent de grimper trop vite, trop haut» , lui dit sa douce belle-mère.

    Le monde qu'évoque Carole Martinez est organisé autour du Dieu de Jésus-Christ. Il est pourtant le grand absent de son livre. Son Nom est sur toutes les bouches mais pas dans les cœurs. Esclarmonde elle-même, qui s'est offerte à Dieu sincèrement, s'interroge : «Que cherchais-je entre ces murs, la proximité de Dieu, la splendeur du sacrifice ou la liberté?» Elle savait que la seule route qu'une femme de sa condition avait le droit d'emprunter était un chemin intérieur: «J'ai creusé ma foi pour m'évader et cette évasion passait par la réclusion.» 


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